Un chien nommé Bouboule.

 

Vous devez vous dire que vient faire une histoire de chien au milieu d'anecdotes ferroviaires ? Patience...

A Laventie, aux vacances de Pâques 1958, nous étions une bande de gamins à jouer dans la cour de la gare... Un jour, apparut devant nos yeux, un magnifique chien, celui du notaire, un airedale nommé Eros* : nous le connaissions, car malgré la noblesse de ses allures, c'était un vagabond qui usait avce abondancede sa liberté. Le thème du jeu fut vite trouvé, nous allions l'attraper ! Avec la participation active du chien, la poursuite commença... Mais Eros en déambulant dans les ultimes recoins de la cour de marchandises, nous débusqua quelque chose de bien plus intéressant : une pauvre bête sale, peureuse et farouche, un chien perdu ! Nous oubliâmes bien vite l'airedale qui n'en fut pas mécontent, et concentrâmes notre chasse sur ce chien : c'était un chien coupé de caniche et de griffon; des poils blancs un peu laineux qui poussaient continuellement, de taille moyenne, un oeil intelligent derrière les poils blancs. Pour le moment, nous l'avions coincé sur le fumier de la ferme Fleury et il n'en menait pas large... Mais comme tout chien perdu, dès qu'il fut rassuré sur nos intentions, il nous suivit sans rechigner...

Le personnel de la gare nous renseigna tout de suite : Nénesse l'homme d'équipe l'avait libéré d'un wagon tombereau où il était enfermé (il y hurlait son désespoir)... L'équipe de la 040D de Délivrance qui faisait le train de desserte chaque jour de la semaine connaissait ce chien : il venait d'un passage à niveau du côté de Merville; le propriétaire avait du s'en débarrasser au passage du train en le lancant dans le wagon ou l'y avait enfermé en gare de Merville!!! Scandalisée par cette histoire, la famille scella le sort du chien : il resterait chez nous. A cette occasion, les histoires de chien et de train ont circulé; la plus horrible racontée par l'équipe de la loco : un chef de gare d'une petite gare d'une autre ligne avait profité de la pause de l'équipe pour se débarrasser de son vieux chien malade : il l'avait jeté dans le foyer de la locomotive !!!!!!!

Le chien fut baptisé Bouboule, subit une tonte et un bain et s'installa dans la maison; son poste d'observation était l'escalier qui montait à l'appartement de fonction au dessus de la gare : il y avait une vue parfait sur la rue de la gare et sur son "ennemi" mortel, Kiki le chien du Café de la Gare. Mais Bouboule avait gardé une aversion certaine contre les 040D !!! Il ne fallait pas que la porte de la petite cour privée du chef de gare soit ouverte quand le train manoeuvrait en gare car il manifestait l'intention de mordre les bielles ! Il m'a fait souvent peur en fonçant sur la locomotive et en s'arrêtant au dernier moment, à la limite extrême du quai... Quand nous eûmes déménagé à Erquinghem, il prenait encore plus de vitesse car le quai était très large...

Nous avons cru comprendre pourquoi il avait été abandonné : il aimait courir la "gueuse". Quand il avait décidé de s'échapper, rien ne l'arrêtait ! Et il revenait plusieurs jours plus tard. Un hiver, il partit presqu'une semaine : nous l'avions cru mort... Il revint , mourant, avec la moitié de la patte arrière en décomposition : le vétérinaire qui réussit à le sauver nous expliqua qu'il avait été pris par un piège à mâchoires et qu'il avait réussi à se libérer quand sa patte avait commencé à se décomposer !

Ce qui ne l'empêcha pas l'année suivante de suivre mes parents dans le Sud Ouest où ils prenaient leur retraite : il vit un train (et y monta !) pour la dernière fois... Cette fois-ci, il avait un billet (demi-tarif) en bonne et due forme !

* pour des enfants, ce nom ne nous interpelait pas !!!!

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