Les Postiers Ambulants.



        Enfant, en attendant le départ de notre train vers les grandes vacances en gare de Paris Austerlitz, je regardais par la fenêtre le ballet des chariots à bagages : le jeu était de retrouver notre malle, expédiée la veille (c'est arrivé une fois de la voir passer!). Toutes ces valises et malles entassées dans les petits chariots verts qui zigzaguaient entre les voyageurs derrière leur chariot électrique qui sonnait sans discontinuer me fascinaient.

        D'autres trains de chariots, couleur lie de vin ceux là, se frayaient un chemin vers la tête du train. Ils étaient tous chargés de sacs couleur toile de jute : le courrier qui partait vers le wagon-poste.




Les chariots accostaient aux deux extrémités d'un long wagon de la même couleur que les chariots, avec son lanterneau vitré. Dans ce wagon quelques hommes étaient déjà installés devant des casiers et triaient le courrier.


Chargement d'un wagon poste ; derrière une allège : on y entreposait les sacs triés.

Le wagon poste était équipé d'une boîte à lettres pour y glisser un courrier tardif : chaque brigade (équipe de postiers) était identifiée par une lettre, ce courrier tardif était oblitéré avec cette lettre ; les philatélistes recherchent ces oblitérations peu communes. Cette brigade, basée à Paris, travaillait souvent de nuit se reposait la journée dans la ville de destination et « remontait » la nuit suivante. Ce mode de travail resserrait les liens entre les membres de la brigade.

Voici le très intéressant témoignage d'un ancien ambulant trouvé sur Wikipédia :

Pour être admis en tant que trieur, il fallait passer avec succès l'examen des « Paris 2000 », c'est-à-dire connaître les rues de Paris pour le tri à la remonte.

Également, chaque trieur était responsable d'un « côté ». Il devait connaître tous les bureaux du département ainsi que les « passes bureaux » (les petits villages rattachés à un bureau distributeur).

Ces agents, au fil des années, ont acquis un savoir impressionnant au niveau acheminement… (par exemple, connaître les rues de Paris avec les coupures pair/impair… ; imaginez les rues du Louvre et de Vaugirard qui traversent plusieurs arrondissements.

La cadence « réglementaire de tri » était fixée à 500 plis au quart d'heure… mais les trieurs avertis, avec du courrier homogène, atteignaient allègrement les 800 plis !

Dans la hiérarchie, on distinguait : le chef de brigade (inspecteur central) ; le second (inspecteur) ; le CTDIV (contrôleur divisionnaire) qui s'occupait du tri des objets recommandés (chargements) ; les trieurs (contrôleurs et agents d'exploitation) ; et enfin les courriers (préposés) qui étaient chargés de la manutention.

Le travail de courrier était très physique… Il fallait « gerber » les sacs dans les allèges (wagon destiné au stockage), les courriers (préposés) devaient aussi assurer l'ouverture des sacs de lettres et de presse et la livraison aux stations.

L'espace dans les wagons était restreint, et l'air était chargé de poussière… le train, en roulant, faisait osciller le wagon, et il fallait avoir le pied marin.

La particularité de ces services résidait dans le fait que l'ambiance y était excellente, les agents solidaires, et la qualité de service de haut niveau… Le maître mot était « être au pair » ; c'est-à-dire avoir tout trié et livré.

Contrairement aux autres agents qui rentrent chez eux après le travail, les ambulants restaient ensemble en bout de ligne, ce qui donnait lieu à des sorties sympathiques (balade, pêche, tennis, pétanque, etc.) et parfois très « festives » les anniversaires et les événements étaient souvent fêtés… chaque brigade avait son point de chute.

En résumé, ce fut vraiment un monde à part au sein des PTT, l'ancien nom de La Poste française. D’ailleurs, lors de la suppression de ces services en 1995 , la reconversion pour certains fut très difficile à supporter, reclassés dans des centres de tri où la mentalité est plus individualiste et les clivages hiérarchiques plus conflictuels…

Toutefois, chaque médaille a son revers… même si les ambulants pouvaient partir en retraite à 55 ans, beaucoup étaient usés avant l'heure par la pénibilité due aux mauvaises conditions de travail (courants d'airs permanents, lombalgies dues au port de charges lourdes, varices causées par la station debout au casier, horaires décalés… etc.) les sacs postaux dépassaient souvent les 25 kg réglementaires… la poussière respirée mélangée aux fumées de cigarettes (pas encore de…). Les conditions actuelles dans les centres de tri sont meilleures au point de vue physique… pas forcément au point de vue psychologique

        A chaque gare, c'était la « course » : il fallait, sans augmenter le temps d'arrêt du train, décharger les sacs à destination et charger les sacs amènes par un postier local. A certaines périodes, un wagon poste ne suffisait pas : on ajoutait une allège (wagon postal non aménagé) où on transportait les sacs sans les trier.


        Début des années 60, je remontais de Montauban à Lille pour un week-end. Mon train entre Montauban et Paris ayant pris du retard, je suis arrivé Gare du Nord en voyant les feux de fin de convoi de mon train pour Lille disparaître au loin. Il était 21h : le train suivant était à 1h du matin : un train appelé Poste Express est composé de voitures de 5 voitures de 2ème classe et une de 1ère classe mais de nombreux wagons poste et allèges.


Diagramme de ce train.



        Le train était mis à quai plus d'une heure avant le départ, ce qui était exceptionnel pour la gare du Nord. J'ai trouvé facilement une place, car ce train était peu fréquenté, sauf par les soldats en permission ; j'ai donc pu m'allonger ; je me suis endormi malgré le bruit incessant des trains de chariots remplis de sacs postaux. Par contre, je fus réveillé par le départ du train et à chaque arrêt : ce train n'était pas très rapide, car priorité était donné au chargement et déchargement des sacs postaux, les arrêts étaient calculés en conséquence : un train normal Paris Lille faisait le trajet en 3 h à cette époque avec trois arrêts : Longueau, Arras et Douai ; celui-là , si je me souviens bien mettait près de 5h : il s'arrêtait à trois ou quatre fois plus de gares ! Ce qui pouvait expliquer le faible nombre de voyageurs.

        A la même époque, sur l'ancienne route royale Caussade-Villefranche de Rouergue, on pouvait suivre ou croiser ( selon notre destination) en fin d'après-midi, un car un peu spécial siglé PTT (à l'époque Postes et Télécommunications) . L'hiver, il était éclairé et on pouvait voir des ombres à l'intérieur : notre facteur à l'époque nous avait dit que ce car était un ambulant routier des Postes, l'équivalent des ambulants ferroviaires. Ce car reliait Villefranche de Rouergue à Blagnac (l'aéroport de Toulouse). Le travail ne devait pas être commode dans ce véhicule : même si la route est assez rectiligne (sauf à Caylus), les cars dans les années 60 n'étaient pas très confortables (les cars que j'ai aperçus étaient des Renault, les ancêtres des Saviem S45.)


Photo Musée des Ambulants Toulouse.

        Il y avait 6 agents à l'intérieur (plus le chauffeur) qui pouvaient trier trois tonnes de courrier. L'éclairage était fluorescent, le car était isolé et chauffé.


Une carte envoyée lors du dernier voyage : la date y figure. Ce service a donc fonctionné de 1960 à 1992.



Merci pour ces documents au Musée des Ambulants de Toulouse ( http://www.ambulants.fr/) 70, rue Pierre Cazeneuve Toulouse 31200

En cette année 2021, le Musée des Ambulants fête ses 25 ans. je suis heureux de publier ici le document (pdf) qu'ils m'ont fait parvenir.

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